A VOT’ BON COEUR

Date de sortie 31 août 2005 (1h 33min)
Nationalité Français

cliquez dans l’image pour agrandir

Synopsis

Le réalisateur Paul Vecchiali est dans tous ses états. Son dernier film vient d’être rejeté par la commission de l’avance sur recettes. Faute de moyens, il devra arrêter le tournage. Aidé de ses collaborateurs, il décide de se venger et assassine les membres de la commission. Seul le président parvient à s’échapper. Par ailleurs, dans le quartier du Kremlin-Bicêtre, à Paris, un mystérieux personnage, sorte de Mandrin moderne, vole l’argent des riches pour le donner aux pauvres…

Critique lors de la sortie en salle le 31/08/2005

Par François Gorin

Une concierge un peu rombière en robe canari chante : une enveloppe pleine d’euros par milliers lui est arrivée par surprise. Un type en rollers passait par là. Plus loin, un cinéaste à moustache argentée se lamente : le film qu’il a commencé à tourner manque de fonds. Tout cela se passe au Kremlin-Bicêtre, au soleil d’été, sous un ciel désespérément bleu. C’est du cinéma de quat’ sous, rien n’est fait pour le cacher. Faut-il pleurer, faut-il en rire ? Voilà toute l’histoire de Paul Vecchiali, ennemi du second degré mais pas de la dualité. En un seul homme, mater dolorosa accablée de tous les maux de la terre, et Bibi Fricotin connaissant mille astuces et le moyen de plaisanter d’un peu tout. C’est ainsi que rien dans sa filmographie, une trentaine de titres en quarante-cinq ans, n’est à ranger strictement dans tel ou tel registre. Septuagénaire hommagé régulièrement, y compris par ses pairs, mais ignoré du grand public, Vecchiali a pourtant le goût populaire, il aime la variété, la tragédie, le guignol et les divas. Il a sa fierté, aussi : de cet état nécessiteux qui fut le sien des années durant, il fait un film à tiroirs d’où peut jaillir à tout moment le diable salvateur de l’autodérision. C’est un joyeux foutoir plus ordonné qu’il n’y paraît. L’affaire du nouveau Mandrin à rollers est traitée sur le mode des actualités. Le film dans le film s’appelle La Guêpe. On en voit des extraits déjà tournés, un couple romantique, déchiré, lui toxico, c’est parfois chanté, on voit aussi les acteurs hors plateau. On devine que ce film-là était impossible. Paul Vecchiali voulut pourtant le mener à terme, il y a quelques années, mais finit par baisser les bras, au bout de vingt refus de la Commission de l’Avance sur recettes. « Ils m’ont flingué », dit-il ici, interprétant son propre rôle d’éternel incompris. « Eh bien, tue-les », lui répond sa femme, jouée par Françoise Lebrun. Voilà donc le plot, le nerf d’A vot’ bon coeur, film sans domicile fixe qui se garde bien de jamais s’installer, et nous mène en bateau au gré de cette fantaisie qui a dû réellement visiter Paul Vecchiali : supprimer un à un les membres de ladite Commission. La mise en scène de ces règlements de compte en fait un jeu d’enfant. Tel est poussé du haut d’une tour, un autre empoisonné par son café… Mais c’est un jeu sérieux : au passage, on nous explique par le menu le fonctionnement de l’Avance et son origine. Les acteurs de La Guêpe, désoeuvrés, concourent à la vengeance. Pendant ce temps, la parabole de Mandrin continue de figurer un autre fantasme : celui de l’argent volé aux riches et redistribué aux pauvres. Si le cinéma français marchait comme ça, badine à moitié Vecchiali, on n’aurait besoin de tuer personne. Comme souvent chez lui, on trouve ici l’action, son commentaire et sa morale mêlés. La tristesse couverte de chansons comme la plaie d’un baume. A cela, A vot’ bon coeur ajoute la mise en cause, quoique toujours un peu fanfaronne, de sa propre conduite de cinéaste, où se bousculent l’envie d’être aimé et certain goût de l’échec. Fête de famille où pointent tous les visages amis, Hélène Surgère et Nicolas Silberg (ses comédiens fidèles), Jacques Le Glou (son producteur) et Marie-Claude Treilhou (sa disciple), entre autres, c’est un peu l’antithèse du film-somme que l’on guette forcément chez le grand cinéaste en fin de carrière. Mais Vecchiali n’est sans doute pas tout à fait un « grand cinéaste ». Aucun comme lui ne se mettrait à nu dans une chanson d’amour au cinéma (A Mayerling) dont on ne sait toujours pas s’il faut rire ou pleurer, tandis que défile le générique. Il serait plutôt du genre inestimable. A prendre comme on voudra. François Gorin